Zoom sur... le droit fondé en titre
La force motrice d'un cours d'eau ne peut être utilisée qu'après obtention d'un droit d'eau délivré par l'administration. En effet depuis la loi de 1919, "Nul de peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’État".
Dans le cas d'un moulin dont l'existence remonte à plusieurs siècles, il est intéressant de se demander si le moulin possède aujourd'hui encore un droit ancien perpétuel, appelé droit fondé en titre.
Enjeu
Un droit fondé en titre reconnu par l'administration vaut comme autorisation d'exploiter la force hydraulique sous certaines conditions et aucune autre autorisation n'est requise. La reconnaissance d'un droit fondé en titre d'un moulin présente donc un avantage certain, notamment lors de sa remise en exploitation.
A noter que les ouvrages fondés en titre sont toutefois soumis à la police de l'eau comme tout autre ouvrage en rivière et doivent généralement respecter des prescriptions portant sur la sécurité des ouvrages et sur la continuité écologique.
Droit fondé en titre
Le droit fondé en titre est un droit attaché à un ouvrage qui a été délivré sous le régime féodal et qui n'a pas été aboli. Pour les moulins se trouvant sur les cours d'eau domaniaux, c'est-à-dire les cours d'eau du domaine public, il s'agit de droits acquis avant l’Édit des Moulins de 1566. Pour les moulins sur les cours d'eau non domaniaux, il s'agit des droits acquis avant la Révolution de 1789.
Le droit fondé en titre est un droit réel et perpétuel attaché à l'ouvrage (et non à son propriétaire), qui ne se perd que si la force motrice de l'eau n'est plus susceptible d'être utilisée en raison de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume du cours d'eau.
Le droit fondé en titre est indissociable de sa consistance légale. La consistance légale du droit fondé en titre correspond à la puissance maximale brute dont l'ouvrage pouvait disposer en 1789 pour les cours d'eau non domaniaux ou en 1566 pour les cours d'eau domaniaux.
Reconnaissance du droit fondé en titre
Le droit fondé en titre d'un ouvrage peut être reconnu a tout moment par l'administration, qu'il soit ou non en service.
La demande de reconnaissance du droit fondé en titre incombe au propriétaire de l'ouvrage. Celui-ci doit apporter la preuve de l'existence de ce droit et indiquer sa consistance légale.
En réponse, l'administration reconnaît par écrit le droit fondé en titre associé à l'ouvrage dans la limite de sa consistance légale.
Remise en service d'un moulin fondé en titre
Un moulin dont l'existence est avérée avant 1789 / 1566 bénéficie d'un droit fondé en titre même si le moulin n'est plus en service depuis longtemps, du moment que les ouvrages hydrauliques ne sont pas à l'état de ruine. Le propriétaire d'un tel moulin qui souhaiterait le rénover et le remettre en service à des fins de production d'énergie hydroélectrique a plusieurs options en fonction de la puissance du moulin rénové.
Cas n°1 : Si le moulin rénové est équipé pour une puissance maximale brute inférieure à la consistance légale du droit fondé en titre, dans ce cas le droit fondé en titre suffit comme autorisation d'exploiter la force hydraulique. Il s'agit donc dans un premier temps de vérifier que le droit fondé en titre est reconnu par l'administration et de faire une demande de reconnaissance si ce n'est pas le cas. Le propriétaire de l'ouvrage devra ensuite déclarer la remise en exploitation du moulin à l'administration. En réponse, l'administration émet couramment un arrêté préfectoral qui acte la remise en service du moulin et l'assorti de prescriptions complémentaires au titre de la police de l'eau. Ces prescriptions portent notamment sur l'exploitation et l'entretien des ouvrages, les travaux en rivière, la protection et la migration des espèces piscicoles. C'est pourquoi le dossier déclaratif fournit généralement une description du projet de rénovation et de remise en service dans lequel sont déjà pris en compte les obligations en matière de continuité écologique.
Cas n°2 : Si le moulin rénové est équipé pour une puissance maximale brute supérieure à la consistance légale du droit fondé en titre, dans ce cas le droit fondé en titre ne suffit plus, le propriétaire doit obtenir en plus une autorisation pour le surplus de puissance, autorisation qui est limitée dans le temps. L'obtention de cette autorisation, intitulée autorisation environnementale unique, requiert le dépôt d'un dossier d'autorisation plus fourni qu'un dossier déclaratif et fait l'objet d'une procédure administrative plus longue..
En conclusion, il est donc recommandé de réfléchir en détail au projet de remise en service d'un moulin fondé en titre, d'une part pour déterminer les démarches administratives à réaliser et d'autre part pour déposer un dossier complet qui a toutes les chances d'être accepté et rapidement traité par l'administration.